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Le 3 mars 2019 à Gy-L'Evêque
Le 3 mars 1959, entre Auxerre et Clamecy, Paul Nicolas, sélectionneur de l’équipe de France et son épouse Yvonne disparaissent dans un accident de voiture. Ils rentraient de Paris où ils avaient assisté, deux jours plus tôt, au stade de Colombes, à un match nul 2 buts à 2 entre la France et la Belgique… Près de Gy-l'Evêque, sur une colline calme, à fleur de route, une stèle monolithique préserve et rappelle leur mémoire. En février 2019, les bénévoles de l’association Paul Nicolas ont nettoyé et préparé cette stèle pour l lui permettre d’accueillir dignement, le 3 mars 2019, 60 ans jour pour jour après l’accident fatal, les deux petits-fils de Paul Nicolas, Patrick et Paul accompagnés de leurs épouses. Après une cérémonie sobre et émouvante, les personnes présentes dont Patricia Beaurenaud représentante de la Ligue de Football de Bourgogne Franche-Comté ont été invitées par le Maire de Gy-Lêvéque Jean-Luc Bretagne à rejoindre la Mairie pour un moment de convivialité.
Patrick et Paul , ses petits-fils témoignent : « Notre grand-père c'était un sacré bonhomme ! »
Patrick : En 1959 lors de la disparition de nos grands-parents, nous avions 6 et 7 ans. Pour comprendre la notoriété de notre grand-père, nous avons reconstitué au fil des années son passé hors normes. de Découvrir ses performances sportives, mais surtout l’Homme qu’il a été, sa forte personnalité, son charisme de dirigeant, ses relations nouées notamment dans la Résistance, cela a été une grande fierté.
Paul : Sa renommée en tant que dirigeant a longtemps éclipsé sa carrière de footballeur qui fut plus qu'impressionnante. le nombre de sélections pour l'époque est ahurissant ! Plus 3 olympiades ! La Une des journaux sportifs et j'ai même retracé son parcours en tant que président du tribunal du commerce de Paris...
Patrick : Tous les ans (avant et après 59), nous venions en vacances à Armes dans la maison qu’il avait acheté trente ans auparavant. Elle était imprégnée de sa présence, c’était un havre de paix qui a bercé notre enfance et notre adolescence et nous avons même effectué deux années scolaires à Clamecy.
Paul : Je me souviens d’une réunion avec quelques joueurs dont Kopa et Fontaine à Armes (j'étais sur les genoux de Raymond Kopa), et des matins où Papeu m'emmenait avec lui à la pêche. Nous allions aussi à la « baignade" avec Mamie, à Armes et à Clamecy... j'ai souvenir de Papeu en maillot de bain noir, avec bretelles et justaucorps comme à l’époque 1900. C’est une image formidable qui m’accompagne toujours...
Patrick : De voir que 60 ans après sa disparition, la mémoire de notre grand-père reste toujours présente, en particulier à Clamecy, nous réchauffe le cœur. Merci à tous les bénévoles qui œuvrent en ce sens.
PAUL NICOLAS
UNE ETOILE DU RED STAR !
Paul Nicolas est bien sûr connu pour avoir été le patron de la grande équipe de France de 1958 mais avant, il avait été le meilleur avant-centre français d’avant guerre. Orphelin de mère à trois ans et de père à quinze, Paul a été l’un des meilleurs joueurs d’Europe.
Il participe aux Jeux Olympiques de 1920 à Anvers, de 1924 à Paris et de 1928 à Amsterdam durant lesquels il inscrit 4 buts en 5 matches dont un face à l'Uruguay, la meilleure équipe nationale de l'entre-deux guerres. Son sens du but et son caractère en font un avant-centre très performant, le prototype, dit-on dans la presse, de l’attaquant moderne, buteur dans l’âme mais tout aussi altruiste dans le dernier geste.
A la fin de sa carrière de joueur, il compte 35 sélections et 20 buts chez les Bleus, autant qu’un certain Eric Cantona ! A l’époque personne n’avait fait mieux.
Né en 1899 à Paris, Paul Nicolas qui habita pendant 30 ans la commune d'Armes, toute proche de Clamecy, porte 35 fois le maillot de l'Equipe de France. Sélectionné pour la première fois à l'âge de 17 ans et demi contre la Belgique, il en devient le capitaine à partir de 1925.
Après un début de carrière prometteur au Gallia Club de Paris, Paul Nicolas va briller sous le maillot du plus grand club français des années 1920, le Red Star ! Avec cette équipe mythique, il gagne quatre fois la coupe de France… Trois fois de suite en 1921, 1922 et 1923 et puis une fois encore, en 1928.
La manière dont il a rejoint le Red Star est à la hauteur de cette époque. En mars 1919, Paul est deuxième classe dans les troupes françaises qui occupent la Rhénanie. Partant en permission, il croise sur un quai de gare un capitaine du Génie, qui n’est pas capitaine que dans l’armée puisqu’il est aussi le capitaine du Red Star ! Son nom ? Lucien Gamblin.
Usant de son grade autant que de sa gouaille, “Lulu” parvient à recruter Nicolas, un avant-centre plein d’adresse et d’audace et pendant dix ans, le môme de Paris trouvera au Red Star de Saint-Ouen, une sacrée bande de copains, talentueuse et fraternelle*. Ses statistiques sont impressionnantes et c’est logiquement qu’il rejoint l’équipe de France entre 1920 et 1931, devenant son capitaine en 1925.
En 1929, il s'installe à Amiens où il finit sa carrière sportive et ne sera donc pas sur le terrain pour la première coupe du monde de 1930 en Uruguay et le tout premier championnat de France lancé en 1932. Pas en tant que joueur en tous cas.
Par contre, il devient rapidement l'un des principaux dirigeants du football français. Il est nommé, en 1953, président du “Groupement des clubs autorisés”, l'ancêtre de la Ligue de Football Professionnel tout en devenant le Directeur de l'équipe nationale.
Il sélectionne et conseille les joueurs de la glorieuse équipe de France des Kopa, Fontaine, Colonna, Lerond et Piantoni qui, après une défaite en demi-finale face au brésil du jeune Pelé, finit, sous la houlette de l’entraineur Albert Batteux, troisième de la coupe du Monde 1958 en Suède, battant en petite finale l'Allemagne 6 buts à 1. Le ballon de ce match mythique, signé par les joueurs et conservé comme une véritable relique, a depuis été offert par Louis, le fils de Paul Nicolas, aux organisateurs du Tournoi de Clamecy.
En 1932, il devient propriétaire d’une poissonnerie rue des Trois-Cailloux et dirigeant du club d’Amiens, faisant même office parfois d’entraîneur ou de recruteur. Son grand regret aura été de ne pas conduire Amiens en finale de la Coupe de France. Il en a été à deux doigts, lors des demi-finales de 1930.
Le 6 avril, l’équipe picarde affronte le Racing Club de France sur son terrain de Colombes. Nicolas joue blessé, après un coup à la cuisse. Le score est de 1-1. Il faut jouer la prolongation. On lit dans L’Auto, « Nicolas a le gain du match au bout du pied. Il attend trop et se fait ravir la balle. » La chance d’Amiens est passée. Paul Nicolas s’en est expliqué dans son livre "Les secrets du football" paru en 1934 : « Traîner toute une demi-finale comme un malheureux inutile, pour au dernier moment avoir au bout de sa chaussure, la balle du match et rester comme une bête assommée devant cette balle qu’un immense désir de vaincre ne suffit pas à pousser au fond des filets, c’est une petite sensation que je ne vous souhaite pas d’éprouver. »
Merci à Paul et Patrick Nicolas, les petits-enfants de Paul Nicolas. Photos : Archives familiales.